Le retour de Shera

Citation :

Bien...je ne sais quoi dire...tu sais beaucoup de choses ont changé dans ma vie...t'oublier? Je n'ai jamais pu...penser à autre chose était un moyen plus efficace. J'ai énormément pris sur moi afin de pouvoir vivre une vie normale...pour ne plus m'inquiéter, ne pas me demander sans cesse où tu pouvais bien être...j'avais peur qu'il te soit arrivé quelquechose, que tu sois morte même...
Je ne...sais...quoi te répondre...

Légèrement rassurée, Shera prit une grande inspiration. Il ne l'avait pas oublié ... il ne l'avait pas non plus radier de sa vie !
Elle avait tellement eu peur que plus jamais il ne veuille la voir, lui parler, lui accorder un peu de temps ... Elle pensait qu'il n'y avait qu'elle pour s'attacher éternellement à certaine personne ; Fabulous était il ainsi lui aussi ?

Elle s'assit par terre, et reprit calmement en caressant les contours de son verre.

Je ... je sais que je t'ai fait beaucoup de mal, Fabulous , et je peux t'assurer que je n'en suis vraiment pas fière. J'ai souvent pensé à toi ... dans les bons moments, il me manquait l'ami avec qui festoyer et chahuter ... dans les pires, il me manquait le confident qui savait m'écouter et m'aider à aller de l'avant ...
Mais, tu ne voulais pas me voir ... tant que je portais ... l'enfant ; j'ai cherché des solutions, je n'en voulais pas et je ne voulais pas qu'il m'éloigne de toi. La solution s'est imposée d'elle-même ; je l'ai perdu ... une nuit en pleine forêt. Je t'avouerai aussi que pendant une semaine j'ai été entre la vie et la mort. J'ai beaucoup réfléchi alors. Et je sais désormais que tu fais partie des rares personnes dont je ne saurais me passer.
La pluie s'est arrêté, le beau temps est revenu, et moi par la même occasion avec les beaux jours. Je n'ai pas la prétention de revenir envahir ta vie, il me reste toujours ma vengeance à accomplir et je sais que je suis susceptible de disparaître du jour au lendemain ... mais j'aimerai préserver notre amitié et ce lien indéfinissable qui nous unit.
Je ne te ferai plus de mal, mais j'aimerai que nous restions amis, voisins, confidents ... mais toi, l'accepteras tu ?

Elle débita tout ça, sans oser le regarder une seule fois. Elle ne pouvait pas affronter son regard, et voir dans les yeux de Fab tout ce qu'elle avait perdu ... tout ce qu'elle avait laissé s'envoler. En outre, ce qui s'était passé dans la grange lors de sa dernière visite, lui restait graver ; et désormais, elle appréhendait les réactions de Fabulous ...

Un air de défi dans le regard, et une attitude provocatrice, Shera l'écoutait, un demi sourire de satisfaction aux lèvres. Voilà, enfin il explosait ... enfin elle le retrouvait ; elle ne dessera pas les poings et garda un sourcil levé pendant qu'il lui disait ce qu'il pensait d'elle.

Il la trouvait peut être trop faible pour un duel, ou peut être pensait-il des choses fausses. Après tout, qu'avait-il à lui reprocher ? Elle ne l'avait pas trompé ! Elle avait revu son amant bien après qu'elle ait quitté Fabulous suite aux négociations de la milice ! Tel un fauve, elle s'apprêtait à lui sauter à la gorge dès qu'il aurait fini ...

Toutefois, quand le moment de colère passé, il termina :
- Mais...vraiment...je ne mentais pas...j'espère que nous nous reverrons...bientôt...
Oui...je te déteste...mais je t'aime à la fois...
...ses émotions reprirent le dessus et elle oublia tout ce qu'il avait dit. La minute d'avant elle aurait voulu le giffler, le mordre ... mais là ...
Elle s'avança doucement vers lui, et l'espace d'un court instant elle le serra dans ses bras en murmurant, la gorge nouée :
- Si tu savais comme tu m'as manqué ...

Elle passa une main dans ses cheveux et se recula pour mieux le regarder ; les souvenirs affluaient et il lui était de plus en plus difficile de se contrôler et de repartir. Nerveusement, elle se mordit la lèvre ... le coeur / la raison ... les envies / la vraie vie ... zelda / black ... atroce dilemne que d'être là devant Fabulous, de savoir pertinemment ce qu'il est bon de faire, et de ne pas y arriver ...
Elle ferma les yeux, ceux là même qui auraient pu trahir son désarroi, et tremblante, elle vint déposer un baiser sur le front de Fabulous. Elle se retourna alors pour qu'il ne voit pas son trouble et siffla Anarkia qui flattait l'encolure de Farian du bout des naseaux ...

A présent il vaut mieux que j'y aille ... j'ai pas mal de travaux encore à la casa del sol ...

Elle ne trouva pas d'autres excuses pour justifier ce départ précipité et si laborieux !

Une pluie fine venait de cesser, humidifiant l'air déjà frais de cette soirée-là et soulageant au passage les paysans qui, à travailler dans leurs champs malgré la chaleur accablante de l'été, avaient peiné toute la journée. Le soleil se préparait à disparaître derrière la ligne d'horizon que traçaient les montagnes.
Zelda, quant à elle, s'en revenait du village les bras chargés ; elle avait gaspillé son avant-midi à Dole dans les paperasses de l'intendance, puis s'en était allée en fin d'après-midi, incapable de supporter davantage le mal qui lui tiraillait les reins et les hanches.

Elle s'était arrêtée au marché et transportait maintenant un panier de légumes fraîchement négociés, qu'elle serait soulagée de déposer en arrivant à la maison.

Heureusement que le calme du long chemin qui la séparait de son chez-soi l'incitait à savourer les odeurs des grands prés environnants ; cela lui permettait d'oublier les actualités de la journée, toutes aussi surprenantes les unes que les autres ; surtout la rubrique Conseil & Parlement... surtout la liste des Conseillers ! Déjà qu'elle avait du mal à trouver le moral ces derniers jours...

Quelle ne fût pas sa surprise, aussi, d'entendre la voix de Shera en provenance du salon ; son amie s'était absentée trop longtemps encore une fois. Zelda passa en lâchant :

-Tiens, tiens ! si c'est pas ma belle amie !

Elle hissa son panier de provisions sur le comptoir de la cuisine, non sans mal, et se "précipita" vers Shera, avec l'humiliation de ne pas avoir la possibilité d'aller aussi vite qu'elle le désirait.

-Enfin une bonne nouvelle que de te savoir de retour à Saint-Claude ! Tu vas mieux j'espère ? J'en ai quelques-unes à t'apprendre en tout cas... Ludwyn est revenue, entre autres, et y a Nikos qui pour l'occasion est sorti de sa tanière l'espace de dix minutes ! N'est-ce pas étonnnant ?

Elle lui sourit, se gardant bien de regarder Fabulous, de peur qu'il ne s'aperçoive de quoique ce soit de louche ; elle ne voulait surtout pas l'inquièter. Et ses yeux étaient souvent traîtres... alors dans le cas où elle croiserait son regard, ce serait impossible de lui cacher ses douleurs.

Devant les excuses muettes de Fabulous, devant le regard inquiet de Shera, elle ne pût s'empêcher de sourire tendrement ; ç'aurait été idiot de se vexer contre cet emportement puisque, oui, elle avait fait la route depuis le village, et c'était à se demander si elle ne faisait pas ces efforts exprès pour provoquer un accouchement qu'elle n'en pouvait plus d'attendre !

-Allons, allons, calmez-vous ; je suis enceintre, peut-être, mais pas handicapée! Donc les coussins, j'apprécie, je vous promet de me reposer au salon en discutant avec vous, mais le verre d'eau, S.V.P c'est moi qui vais le chercher hein ! En plus que je dois ranger tous ces légumes que je viens d'acheter... il moisiront sur le comptoir si je fais pas ça maintenant ; j'aurai plus le courage de me lever une fois la rare position confortable trouvée.

Bien décidée, mais peinant légèrement, Zelda se releva. Puis, "pingouinant" jusqu'à la cuisine, elle laissa Fabulous seul avec leur Shera.

Une fois rendue à destination, elle sortit un verre, le remplit d'eau fraîche et le déposa sur le comptoir pour se libérer les mains et pouvoir ranger ses légumes. Mais c'est en levant le lourd panier qu'elle sentit ce liquide chaud descendre tout contre ses jambes...
Elle ne prit alors même pas le temps de regarder, elle laissa tomber le panier, totalement paniquée : le bruit allait alarmer son fiancé et son amie. Un linge de vaisselle se ramassa donc au sol sur la flaque d'eau, et en vitesse Zelda enfila un long tablier pour s'en revenir au salon.

-Excusez le dérangement, c'est tout reglé maintenant. Je suis là, je vais bien !

Elle força un sourire, mais son regard traduisait son affollement, sa surprise. C'est avec mille précautions qu'elle se rassit, en espèrant que personne n'avait remarqué ses braies mouillées. Qu'allait-elle faire ?! Sa salive semblait plus épaisse tout à coup. C'est avec une main tremblante donc, qu'elle saisit la nuque de Shera, pour l'entraîner vers elle et lui murmurer un "je vais accoucher" inquiet...

Son regard alla de l'un à l'autre, et elle se dit que c'était le meilleur moment pour prouver ses qualités de menteuse inégalée de la Cour des Miracles. Elle n'allait pas les laisser comme ça, et Fabulous avait raison ; ce n'était pas le moment d'aller se balader, il y avait fort à faire pour préparer l'arrivée de l'enfant.

Citation :

-Shera...tu ne sais pas réaliser d'accouchements? Tu ne l'as jamais fait? Nous sommes assez à l'écart de Saint-Claude tu sais, j'ai peur que cela prenne beaucoup de temps d'aller jusqu'au village et de trouver quelqu'un...et je ne veux pas laisser Zelda seule en ce moment critique...

Des accouchements ? si, si j'en ai vu plus d'un ... Mais disons que ça fait un moment ... et ça aurait été plus sûr d'avoir une accoucheuse, hum mais nous pourrons nous en passer n'est-ce pas ?!

Elle leur adressa à tous deux un sourire qui se voulait rassurant, et se rappela qu'à l'exception de mise à bas d'une jument elle ne connaissait pas grand chose à l'accouchement, mais plutôt des avortements ...
Prenant une grande inspiration, voyant son amie en souffrance, elle essaya d'organiser ses pensées, et de parler sereinement :

Quand faut y aller, faut y aller ... tu es prête Belle Zelda ? Dans une dizaine d'heures tu seras maman !
si tout se passe bien, pensa t-elle. Apparemment, les femmes faisaient ça depuis la nuit des temps, alors ça ne devait pas être si sorcier ... et puis la sorcellerie, c'était un peu son domaine non ...

Fabulous ? Pourrais tu installer confortablement Zelda dans votre chambre par exemple. Il faudra des linges propres, une lame aussi bien nettoyée, de l'eau chaude ...
et beaucoup de prières !

Je vais me laver les mains et ... je vous rejoins.

Alors que Zelda était toujours assise dans le fauteuil, celle-ci écoutait la conversation d'une oreille, essayant de résister aux douleurs du spasme qui l'assaillait ; cela faisait plusieurs jours qu'elle devait les subir, mais celui-là était bien plus douloureux. La "bonne nouvelle", c'est qu'il ne restait que peu de temps avant que le bébé soit prêt à sortir.

-Peu importe qui m'accouche, moi, tant qu'il sort de là rapidement ! lâcha-t-elle en serrant les dents, se levant presque d'un bond pour soulager quelque peu les crampes. Tu parles que je suis prête, Shera ! N'oublies pas que j'en suis à mon deuxième, normalement c'est plus rapide et moins difficile... enfin, je l'espère...

La tension passa, et elle put reprendre son souffle tranquillement, tâtant des deux mains le bas de son ventre et les os de ses hanches, pour voir à peu près où en était le bébé... Puis, elle tendit la main à son fiancé, prit la sienne :

-On a à peine trois ou quatre minutes pour monter avant la prochaine, aide-moi chéri.

Deux minutes passèrent, et c'est en plein milieu des escaliers, cette fois, que la contraction prit la jeune femme. Zelda ne s'arrêta pas pour autant, profitant du soutient de son capitaine, et s'obligea à endurer l'élancement.

-C'est bon, c'est bon, va chercher les serviettes et les linges dont Shera va avoir besoin... et regarde dans le premier tirroir... ma trousse de soin y est... mes ciseaux, mes ciseaux stérilisés sont à l'intérieur de cette trousse ; j'ai une aiguille, tout ce que peut nécessiter une suture... elle fouillera.

Organisant les oreillers, elle jeta toutes couvertures au sol sauf celle qu'il y avait de son côté sous les draps, une vieille qui ne servirait que pour l'accouchement. Et, sans attendre, elle s'installa, sachant bien que la prochaine contraction allait la saisir dans la minute.